Sur le rivage
Sur le rivage et le bruissement
du sable sous les pas des
vacanciers.
Abasourdie par ce tintamarre insupportable,
elle se précipita vers la porte par laquelle
elle était venue et la referma derrière elle.
Elle ferma les yeux un instant, goûtant le silence
et l’ombre du couloir.
Lorsqu’elle les rouvrit, elle était au beau milieu
d’une chambre,
une chambre vert et argent qu’elle reconnaissait
parfaitement cette fois-ci,
une chambre où elle avait vécu ses premiers
moments de femme,
la chambre où elle était devenue femme.
Rien qu’en s’approchant de ce matelas qu’elle
savait moelleux,
elle sentait encore les odeurs, les émotions,
les sentiments de la jeune fille
qu’elle avait été.
Elle se revoyait, adolescente, ses cheveux
longs tombant négligemment sur ses
épaules,
cachant ses petits yeux noisette brillants,
pétillants et emplis d’amour.
La pièce se mit à tourner autour d’elle,
lui donnant l’impression d’être dans
un manège où elle voyait défiler
sa vie dans des miroirs.
Elle reconnut la fillette sous la pluie,
celle sur la plage et celle dans cette
chambre mais elle reconnut aussi
la même fillette,
les yeux emplis de larmes pleurant
la mort de ses parents,
puis l’adolescente pleurant un chagrin d’amour
et elle se vit enfin,
elle, à vingt-quatre ans, sur ce pont,
regardant la ville malgré les larmes
qui l’aveuglaient.
Un fin brouillard commença alors
à l’envelopper,
cachant les miroirs et leurs reflets,
brouillant la vue d’Hannah.
Malgré la brume, elle voyait une silhouette,
incertaine au début puis de plus en plus nette,
celle d’une petite fille se dirigeant vers elle,
comme attirée par un fil invisible.
Les deux êtres ne se quittaient pas des yeux,
se comprenant par un regard, leurs esprits
fusionnant à travers leurs prunelles brunes.
La petite fille se rapprochait de plus en plus
à chaque seconde mais Hannah
ne bougeait pas, fascinée par ce regard
qu’elle reconnaissait tant.
Au fur et à mesure que la fillette approchait,
la jeune femme pouvait voir son reflet dans
ses yeux,
celle d’une petite fille, la même enfant qu’elle
avait devant elle.
Mais alors que les deux êtres auraient dû
se rencontrer,
un éclair aveuglant jaillit dans la brume
et Hannah plongea dans le regard de la fillette,
y rencontrant des souvenirs,
y rencontrant ses souvenirs.
Elle se vit, sur ce pont, faire un pas en arrière,
sécher ses larmes et sourire… Sourire à la vie.